Le piou pencha la tête en regardant ce qui se passait en dessous de son arbre.
Un aventurier de petite taille venait de laisser tomber quelque chose de jaune, de dur et de forme relativement circulaire.
Une graine.
UNE GRAINE.
Il existe des millions de créatures différentes dans le monde des Douze. Certaines connues, d'autres non. Il existe des dizaines d'espèces capables de résister à la tentation de la nourriture, certaines étant capable de rester cachées des jours durant dans des buissons alentour avant de s'approcher de leur pitance.
Le piou n'en fait pas partie.
PIOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOU ! Le volatile lança un grand cri de guerre et fondit tête baissée sur sa proie.
Les yeux fixés sur l'objet convoité, il ne vit pas un sourire sadique s'afficher sur le visage de l'aventurier, tandis qu'il glissait la main -couverte de bandelettes- sur une pierre d'âme.
- Pokéball, go !
La pierre vola vers le piaf en sifflant, puis frappa sa tête et absorba son Wakfu par la même occasion.
Le Xelor se baissa pour ramasser la pierre, l'air désolé.
-C'est pas que je t'aime pas... mais j'ai pas pu résister. Déformation professionnelle.
Il sortit un carnet de sa poche, nota "
Pioukas la Plante: Check", et le rangea avec un air satisfait.
Puis il leva les yeux vers le grand bâtiment qui se dressait devant lui.
La milice de Brakmâr était réputée, entre autres, pour les cris d'agonie et de douleur qui s'échappaient autrefois de ses geôles. On murmurait que les bourreaux connaissaient des centaines de façons de faire perdre la raison à leurs victimes, du supplice de la plume chatouilleuse à l'armoire cloutée en passant par l'écoute forcée de chansons du barde Jeust Tyne Bibeur. De vrais sadiques.
Mais aujourd'hui les bourreaux n'officiaient plus, et Emeraudor se rendit tranquillement dans les sous-sols insalubres.
Il s'approcha du mur d'une cellule et lut une inscription gravée sur une dalle:
Si vous souhaitez sortir, merci d'éplucher 30 patates.Il sourit, pensant au pauvres hères emprisonnés ici.
Son sourire s’effaça quand il constata que la grille derrière lui s'était refermée. De l'autre côté, Psy, l'air goguenard, lui lança un épluche-patate.
60 patates plus tard (Psy avait trouvé hilarant de réactiver le mécanisme une fois la première fournée finie), le Xelor, les doigts en sang et des épluchures sous les ongles, s'entretenait avec Xanamla au
Sanctuaire de l'Almanax. La brave femme lui confirma que l'ère du Chacha (l'un des 12 signes de Doziac) commencait le 22 Joullier et finissait le 23 Fraouctour.Le reste ne posa aucun problème. Il se rendit à Pandala et parla aux 5 conseillers du Grandapan; il se rendit à Incarnam pour contempler les vestiges de l'Epée que Iop avait jeté là; il s'infligea une migraine tenace en calculant le nombre de planche de Nikos Monote exigeait pour le transporter jusqu'à l’île du Minotoror, puis se rendit enfin au temple des Alliances vérifier le nombre de signatures au bas du Traité des Six.
Quelques heures plus tard, Emeraudor, plus mort que vif, traînait la patte en direction de Sufokia. Le parchemin jauni laissait des indications laissant penser que le trésor était caché dans une baraque près de Sufokia.
Suivant son instinct de chasseur -et boosté par l'adrénaline qui affluait peu à peu dans ses veines à l'idée qu'il approchait du but- il finit par dénicher une maison délabrée au Quai des bandits.
Le cœur battant, il s'approcha de la porte et composa le code: 30 22 5 3 2 7
Dans un déclic, la porte s'ouvrit.
Il tenta d'allumer les lampes, mais les ampoules devaient avoir rendu l'âme car rien ne se produisit.
Il prononça un juron et fit naître une flammiche dans le creux de sa main; puis, s
e guidant à la lueur de la flamme, il prit un escalier aux marches branlantes et s’enfonça dans l'obscurité des sous-sols.La salle dans laquelle il déboucha était nimbée des lueurs bleutées de l'océan, qu'on apercevait à travers un hublot. Au fond de la salle, recouvert de poussière... il y avait un coffre.
Emeraudor approcha ses doigts tremblants du trésor...
-
ENFIN ! Tu as trouvé mon trésor !Le Xélor fit un bond de deux mètres et poussa un cri que n'aurait pas renié une jeune adolescente hystérique. Derrière lui venait d'apparaître le fantôme d'un vieillard aux bras décharnés, à la barbe fournie et au sourire édenté.
Le spectre haussa un sourcil broussailleux.
-Et bien, moi qui pensais que je tomberais sur un aventurier musclé et viril...
-Vous... vous êtes un vrai fantôme ?
Emeraudor se rassurait peu à peu. Il avait déjà combattu des fantômes, et nombre d'entre eux logeaient maintenant dans une pierre au fond de son sac.
-Que nenni ! Je suis simplement un hologramme.
-Un Hol au gramme ?
Devant le regard perplexe du Xélor, l'apparition précisa :
-Une simple projection. Une image.
Puis, reportant son regard sur le coffre:
-Alors, tu as trouvé la combinaison du coffre ?
Le Xelor réfléchit à toute vitesse.
-Oui, mais il n'y avait rien.
Le vieillard ouvrit des yeux ébahis.
-Quoi ? Je me serais fait voler ?
Il se précipita vers le coffre, puis s'arrêta net.
Il se tourna vers l'aventurier.
-Tu voulais que je l'ouvre pour toi, hein ?
Emeraudor eut un sourire coupable.
-Hé, ça valait le coup d'essayer...
L'apparition rit franchement.
-Toi, je t'aime bien ! Bon, je vais t'aider... tu as mon parchemin sur toi ?
Le Xélor opina du chef, et sortir le vélin jauni.
-Vous dites qu'il ne s'ouvre qu'en votre nom ?
-Exact. Donc ce coffre est à.... ?
-VOUS !
Le vieux fixa d'un air ébahi la momie qui s'était retournée vers le coffre et commençait à marmonner: "Alors, V c'est 22... O c'est 15..."
-Attend, attend !
-Oui ?
-Mon nom... quel est mon nom ?
Le Xélor regarda son parchemin.
-Jacky !!!!
Tout fier de lui, il entreprit de traduire le nom en chiffres, et composa le 10 1 3 11 23
Rien ne se produisit.
-Hmmm... on dirait que tu as fait une erreur sur le dernier chiffre, jeune homme !
-Je ne comprends pas... Y est l'avant-dernière lettre de l'alphabet. Il y a 24 lettres dans l'alphabet, donc Y = 23 !
L'apparition le fixa sans mot dire, les yeux écarquillés. Puis il bafouilla :
-Heuuuu... tu peux répéter ?
-L'alphabet a 24 lettres. Y est l'avant-dernière lettre, donc Y = 23 !
Le vieillard le fixa intensément. Il sortit ensuite de nulle part une corde de chanvre fantomatique, fit mine de se pendre avec et disparut sous le regard hébété du Xélor.
10 minutes plus tard, après avoir compté 3 fois sur ses doigts, le Xelor réalisa son erreur.
Se morigénant pour sa stupidité digne d'un Iop lobotomisé, il composa le
10 1 3 11 25... et entendit la serrure céder. (A écouter en même temps: https://www.youtube.com/watch?v=irigKFq5WCY )
Sous ses yeux étincelaient un grand nombre de piécettes dorées et rutilantes.
Au-dessus, il y avait un morceau de papier. Il le prit et déchiffra l'écriture en pattes de mouche:
"Salutations, aventurier ! Te voici arrivé à la fin de ta quête. Dans ce coffre, tu trouveras 5 millions de kamas. Fais-en ce que tu veux, ils sont à toi. Tu peux acheter des équipements, investir dans l'immobilier astrubien ou le flamber en tonneaux de jus de pomme, c'est ton affaire.
Bravo à toi !"
Il sourit, les yeux embués. Puis remarqua une note qui semblait avoir été rajoutée plus récemment.
"Prend aussi des cours particuliers, tant qu'on y est".